She's so lovely
Le principal avantage d'une grasse matinée, au-delà du plaisir d'être sorti de ses songes par autre chose que le bip-bip d'un réveil, c'est que les 4 tours d'horloge gagnés sur le temps de sommeil habituel vous donnent une bien meilleure forme pour la soirée qui suit. A l'heure du dîner, point de baîllement traitre et d'yeux mi-clos pour étouffer dans l'oeuf vos envies de prolonger un peu ce doux moment. Au contraire, vous vous sentez mû par le besoin irrépressible de "faire quelque chose", selon l'expression consacrée. Allez, soyons fous, attrapons nos écharpes et prenons le chemin du cinéma...
"Juno". Qui ça ? Elle a 16 ans, un joli minois, des jeans rapés et un goût plus prononcé pour le rock des seventies que pour les pom-pom girls de son lycée. Avec son humour cash et son sans-gêne certain, il n'est pas étonnant que tout le monde la trouve décalée, à commencer par la mère de son meilleur pote, lequel n'est pourtant pas moins bizarre. C'est avec lui qu'elle choisit de perdre sa virginité, un soir, parce que le fauteuil semble accueillant. Coup d'essai, coup de maître : la voilà enceinte et évidemment pas décidée pour deux sous à jouer le rôle de la maman. Inutile de raconter la suite. Le décor est planté, aux acteurs de faire le reste. Et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils le font bien (Ellen Page, sidérante de naturel, en tête). Pas une seule fausse note dans cette histoire remarquablement écrite qui pose des questions simples et ne prétend surtout pas leur apporter de réponses toutes faites. L'avortement, l'adoption, la pérennité de l'amour dans le couple, les conflits entre les ados et leurs parents, la maturité, le courage, et plus généralement la difficulté qu'éprouve chaque être humain à savoir réellement ce qu'il a sur le coeur... Qui aurait la prétention de régler ça en une heure quarante ?
"Juno" est une divine météorite qui vient de s'abattre sur Hollywood et ses blockbusters préformatés. Une pépite qui prouve que même aux Etats-Unis, une exception culturelle peut surgir à tout moment. Le cinéma indépendant n'est pas mort là-bas, voilà qui fait plaisir. Les critiques inscrivent le film dans la lignée de "Little Miss Sunshine". Ils ont raison. On y retrouve la même fraîcheur, le même humour fin, la même émotion. Là où il aurait été facile de forcer le trait, dans un sens ou dans l'autre, façon documentaire larmoyant ou au contraire dans la parodie grasse style "American Pie", le réalisateur a choisi de ne pas choisir. Et de dépeindre la vie telle qu'elle est. Sa plus grande prouesse, et celle de tous les comédiens, est d'arriver, en prenant pour thème un grave phénomène de société, à nous faire sortir de la salle avec un grand sourire et le moral au beau-fixe.
"Juno", de Jason Reitman. Avec Ellen Page, Michael Cera, Jennifer Garner, Jason Bateman... Sorti depuis le 7 février, toujours à l'affiche et j'espère pour longtemps.